Le strongyloïdose, causé par la Strongyloides stercoralis, est une parasitose souvent négligée mais potentiellement grave. Ce ver rond ou nématode infecte principalement les zones tropicales et subtropicales, mais il est aussi présent dans certaines régions tempérées, notamment dans les communautés défavorisées et les populations migrantes. Sa particularité est sa capacité à se reproduire de façon autonome dans l’organisme humain, entraînant ainsi une infection chronique pouvant perdurer plusieurs décennies. Cet article examine en détail la biologie de S. stercoralis, les symptômes associés, le diagnostic, les options de traitement, et les mesures de prévention.
Biologie et cycle de vie de Strongyloides stercoralis
Structure et physiologie
Strongyloides stercoralis est un nématode dont les adultes femelles peuvent mesurer entre 2 et 3 mm de long. Contrairement à de nombreux autres parasites, ce ver présente une capacité d’autoréplication dans son hôte humain, permettant des cycles d’infection internes. Les femelles produisent des œufs qui éclosent dans la paroi intestinale, libérant des larves qui peuvent soit se développer dans l’intestin ou être excrétées dans les selles.
Cycle de vie complexe
S. stercoralis a un cycle de vie indirect et direct. Lorsqu’une personne entre en contact avec des larves infectieuses dans le sol (principalement par la peau), celles-ci pénètrent dans la peau et migrent vers les poumons, de là elles montent dans les voies respiratoires, et sont finalement avalées pour atteindre l’intestin grêle. Dans l’intestin, les larves se développent en femelles adultes qui produisent des œufs et donnent naissance à des larves. Ces larves peuvent soit continuer leur cycle dans l’organisme (auto-infection endogène) soit être excrétées et poursuivre leur cycle dans l’environnement.
La particularité de S. stercoralis réside dans sa capacité d’auto-infection, ce qui signifie que le cycle d’infection peut persister indéfiniment dans un hôte immunodéprimé.
Symptômes et présentation clinique
La présentation clinique de la strongyloïdose peut varier largement, allant d’une infection asymptomatique à une maladie systémique sévère, surtout chez les personnes immunodéprimées.
Infection asymptomatique et formes bénignes
Dans la majorité des cas, l’infection reste asymptomatique ou bénigne. Les symptômes gastro-intestinaux mineurs peuvent inclure des douleurs abdominales, des nausées, et parfois de la diarrhée. Les symptômes cutanés peuvent se manifester sous forme d’urticaire, surtout au niveau des fesses et des membres inférieurs, causée par la migration des larves sous la peau.
Forme chronique
Les patients présentant une strongyloïdose chronique peuvent connaître des cycles de symptômes fluctuants. Les douleurs abdominales récurrentes, associées à la diarrhée et parfois à la constipation, sont fréquentes. Certains patients peuvent également développer des éruptions cutanées prurigineuses et des éruptions migratoires le long des zones cutanées affectées.
Hyperinfection et dissémination
Chez les patients immunodéprimés, notamment ceux sous corticothérapie, la strongyloïdose peut progresser vers une hyperinfection ou une dissémination systémique, ce qui est une urgence médicale. L’hyperinfection se traduit par une multiplication rapide des larves dans le système digestif, pouvant mener à des occlusions intestinales, des hémorragies gastro-intestinales, et une pneumonie sévère due à la migration des larves vers les poumons. La dissémination larvaire peut aussi toucher le foie, le cœur, et le système nerveux central, entraînant des complications mortelles.
Diagnostic
Le diagnostic de la strongyloïdose peut être complexe, notamment dans les cas asymptomatiques. Plusieurs méthodes sont utilisées pour détecter la présence du parasite.
Examen des selles
L’examen des selles est couramment utilisé pour détecter la présence de larves de S. stercoralis, mais il est souvent peu sensible, car les larves peuvent être excrétées de manière intermittente. Plusieurs échantillons peuvent être nécessaires pour augmenter la sensibilité du test.
Techniques de culture des larves
La méthode de culture de Baermann ou la culture sur plaque d’agar sont également des méthodes plus sensibles, permettant d’identifier les larves dans un échantillon de selles. Ces techniques, bien que efficaces, ne sont pas toujours disponibles dans les laboratoires de routine.
Sérologie
Les tests sérologiques, qui détectent les anticorps contre Strongyloides, sont utiles pour diagnostiquer les infections chroniques et asymptomatiques, surtout en l’absence de résultats positifs dans les examens de selles. Cependant, ils peuvent présenter des réactions croisées avec d’autres parasites.
Techniques moléculaires
Des méthodes basées sur la PCR (réaction en chaîne par polymérase) sont en développement pour détecter l’ADN de Strongyloides dans les échantillons biologiques, offrant une sensibilité élevée et une spécificité accrue.
Traitement
Le traitement de la strongyloïdose repose principalement sur l’utilisation d’antiparasitaires spécifiques.
Ivermectine
L’ivermectine est le traitement de choix pour la strongyloïdose, administrée par voie orale. Elle est efficace en une dose unique ou en plusieurs doses répétées selon la sévérité de l’infection.
Albendazole
L’albendazole, bien qu’efficace, est généralement moins recommandé que l’ivermectine pour la strongyloïdose. Il peut être utilisé en cas de non-disponibilité de l’ivermectine ou pour des traitements de combinaison.
Traitement des cas d’hyperinfection
Pour les cas d’hyperinfection ou de dissémination systémique, un traitement prolongé à l’ivermectine est recommandé, souvent associé à un soutien médical intensif. Il est également essentiel de réduire ou d’arrêter les traitements immunosuppresseurs lorsque cela est possible, afin de limiter la progression de la maladie.
Prévention et contrôle
La prévention de la strongyloïdose repose essentiellement sur des mesures d’hygiène et d’assainissement.
Éducation sanitaire
Sensibiliser les populations à risque aux risques de contamination par contact avec le sol contaminé est crucial. Dans les zones endémiques, l’utilisation de chaussures pour éviter le contact direct avec le sol est recommandée.
Amélioration des infrastructures sanitaires
Des systèmes d’assainissement améliorés peuvent réduire la contamination des sols par les larves de S. stercoralis, contribuant à limiter la transmission.
Dépistage précoce dans les populations à risque
Dans les populations à haut risque, comme les migrants des zones endémiques ou les patients immunodéprimés, le dépistage précoce et le traitement des infections asymptomatiques peuvent prévenir les complications graves de l’infection.
Conclusion
La strongyloïdose demeure un problème de santé publique négligé dans de nombreuses régions tropicales et subtropicales, avec un risque particulier pour les personnes immunodéprimées. La capacité unique de S. stercoralis à persister indéfiniment dans son hôte rend le diagnostic et le traitement essentiels pour éviter les complications graves. L’amélioration des infrastructures sanitaires et la sensibilisation de la population sont des étapes clés pour limiter la transmission du parasite. La recherche continue sur les méthodes diagnostiques et les options de t