Le voyage, qu’il soit entrepris pour des raisons personnelles, professionnelles ou religieuses, impose souvent des conditions spécifiques qui peuvent affecter les pratiques quotidiennes des croyants. Dans l’Islam, la prière est une obligation fondamentale. Cependant, la religion offre une flexibilité à ceux qui voyagent, afin de les soulager des contraintes liées aux horaires et à la fréquence des prières. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les pratiques de la prière du voyageur, également connue sous le nom de salat al-qasr (prière raccourcie) et salat al-jam (prière combinée).
1. Les fondements de la prière du voyageur
La prière du voyageur repose sur des principes tirés du Coran et des Hadiths (enseignements du Prophète Mahomet). Le voyage est considéré comme une situation qui peut occasionner des difficultés, et la religion a instauré des allégements pour faciliter les obligations religieuses dans ce contexte. La Sourate An-Nisa (4:101) du Coran dit :
« Et quand vous parcourez la terre, ce n’est pas un péché pour vous de raccourcir la prière, si vous craignez que les mécréants ne vous mettent à l’épreuve. »
Bien que ce verset fasse référence à une situation de peur, les savants musulmans s’accordent pour dire que cette permission de raccourcir les prières s’applique à tout voyage, qu’il y ait ou non danger.
2. La prière raccourcie (Salat al-Qasr)
L’une des principales concessions accordées aux voyageurs est la possibilité de raccourcir certaines prières obligatoires. Il s’agit de réduire de moitié le nombre d’unités (rak’ahs) des prières suivantes :
- Dhuhr (prière du midi) : réduite de 4 à 2 rak’ahs.
- Asr (prière de l’après-midi) : réduite de 4 à 2 rak’ahs.
- Isha (prière du soir) : réduite de 4 à 2 rak’ahs.
En revanche, les prières de Fajr (prière de l’aube) et de Maghrib (prière du coucher du soleil) restent inchangées. La prière de Fajr contient toujours 2 rak’ahs et celle de Maghrib 3 rak’ahs. La prière raccourcie est non seulement un allégement, mais elle témoigne aussi de la miséricorde d’Allah envers ses serviteurs.
Conditions de la prière raccourcie
Pour que le voyageur puisse bénéficier de la prière raccourcie, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Distance du voyage : La majorité des savants s’accordent sur une distance minimale de 48 miles (environ 80 km) pour permettre la prière raccourcie. Cependant, il existe des divergences sur cette distance exacte.
- Durée du séjour : Si un voyageur reste dans une ville ou une région pendant plus de quatre jours, il est considéré comme résident et ne peut plus raccourcir ses prières, sauf exceptions. Si le séjour est inférieur à quatre jours, la prière raccourcie est autorisée.
- Nature du voyage : Le voyage ne doit pas être entrepris dans le but de commettre un péché. Les voyages pour des raisons illicites ne permettent pas de bénéficier de cet allégement.
3. La prière combinée (Salat al-Jam)
Outre la possibilité de raccourcir les prières, l’Islam permet également de combiner certaines prières pendant un voyage. Cette combinaison se fait de deux manières :
- Combinaison anticipée (jam’ taqdim) : Cela consiste à prier Dhuhr et Asr ensemble à l’heure de Dhuhr, ou Maghrib et Isha ensemble à l’heure de Maghrib.
- Combinaison retardée (jam’ ta’khir) : Dans ce cas, le voyageur retarde la prière de Dhuhr pour la prier avec Asr à l’heure de Asr, ou retarde Maghrib pour la prier avec Isha à l’heure de Isha.
Avantages de la prière combinée
La combinaison des prières est un autre moyen de soulager le voyageur des contraintes du temps. Cela lui permet de prier dans un moment plus propice, en fonction de son emploi du temps et des situations spécifiques au voyage, comme la fatigue, les déplacements prolongés ou les interruptions fréquentes.
4. Cas pratiques de la prière en voyage
Imaginons un voyageur qui doit effectuer un long trajet en avion. Durant le vol, il pourrait avoir des difficultés à prier chaque prière à son heure spécifique. Grâce aux concessions accordées par la Shari’a, il pourra soit combiner et raccourcir les prières avant son vol, soit les combiner et les raccourcir à son arrivée.
De plus, un voyageur qui reste dans une ville pendant trois jours pourra continuer à raccourcir ses prières jusqu’à ce qu’il quitte cet endroit. Cependant, s’il prévoit de rester plus de quatre jours, il devra prier en entier comme un résident.
5. Les divergences d’opinion entre écoles juridiques
Les différentes écoles de jurisprudence islamique (madhhab) ont des approches légèrement variées concernant les détails de la prière en voyage. Par exemple :
- L’école malékite autorise la prière combinée seulement si le voyageur est en mouvement, tandis que l’école hanafite n’autorise pas la combinaison, sauf dans des situations spécifiques (comme à Arafat ou Muzdalifa pendant le Hajj).
- L’école chaféite et hanbalite sont plus permissives concernant la combinaison des prières, autorisant cette pratique même si le voyageur est installé dans une ville pendant un court séjour.
6. L’importance spirituelle de la prière du voyageur
La prière, en voyage comme dans la vie quotidienne, est un moyen de rester connecté avec Allah. Même en voyage, où les occupations peuvent être multiples et les distractions nombreuses, la prière raccourcie ou combinée rappelle au croyant l’importance de garder cette connexion vivante. L’allégement accordé ne vise pas à diminuer la spiritualité de l’acte, mais à s’assurer que l’obligation est accomplie de manière plus accessible.
Conclusion
La prière du voyageur est un exemple éclatant de la souplesse de la religion islamique, qui prend en compte les réalités de la vie quotidienne des croyants. Le raccourcissement et la combinaison des prières ne sont pas des actes qui diminuent l’importance de la prière, mais des moyens de la rendre plus facile à accomplir en dépit des circonstances difficiles. Ils rappellent que l’Islam est une religion fondée sur la compassion et la facilité, accordant à ses adeptes les moyens de pratiquer leur foi sans obstacle, même en situation de voyage. La compréhension correcte de ces concessions permet aux croyants de mieux vivre leur spiritualité, tout en restant fidèles à leurs obligations.
