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Pourquoi le nord en haut ?

Pourquoi orientons-nous les cartes vers le nord ?

L’orientation des cartes, avec le nord en haut, semble aujourd’hui une évidence. Pourtant, cette convention cartographique n’a pas toujours été universelle, ni même dominante. Elle résulte d’un mélange complexe d’histoire, de géographie, de science et de symbolisme. Analysons les raisons pour lesquelles les cartes modernes privilégient cette orientation et explorons les alternatives historiques.


Origines historiques : des cartes orientées selon les cultures

Dans l’Antiquité, les cartes n’étaient pas nécessairement orientées vers le nord. Différentes civilisations utilisaient des points cardinaux variés pour structurer leurs représentations du monde.

  • Les Égyptiens et l’orientation vers le sud : Les anciens Égyptiens, qui étaient fortement dépendants du Nil, considéraient le sud comme la direction principale, car elle correspondait à la source de ce fleuve vital. Leurs cartes plaçaient donc souvent le sud en haut.

  • Les Chinois et la domination du sud : Dans la Chine impériale, les cartes étaient fréquemment orientées avec le sud en haut. Cette orientation reflétait les croyances culturelles et philosophiques, où le sud symbolisait la chaleur, la lumière et la prospérité.

  • Les Européens médiévaux et l’est sacré : Durant le Moyen Âge en Europe, les cartes chrétiennes mettaient souvent l’est en haut. Cette direction, associée au lever du soleil, symbolisait la résurrection et le paradis, en référence à Jérusalem, souvent placée au centre des cartes.


L’essor du nord : un tournant scientifique et culturel

Le nord n’a gagné sa prééminence qu’à partir de la Renaissance, époque marquée par des progrès scientifiques et une vision plus standardisée du monde. Plusieurs facteurs ont contribué à cette évolution.

1. L’importance de la boussole

L’introduction de la boussole magnétique en Europe au XIIᵉ siècle a joué un rôle majeur. Cet instrument, qui pointe naturellement vers le pôle nord magnétique, a influencé la manière dont les navigateurs et les cartographes percevaient et représentaient les directions. En orientant les cartes selon le nord magnétique, les marins pouvaient plus facilement se repérer et planifier leurs voyages.

2. Le rôle des grandes explorations

Les Grandes Découvertes des XVᵉ et XVIᵉ siècles ont renforcé la standardisation des cartes. Les navigateurs européens, tels que Christophe Colomb, Vasco de Gama ou Ferdinand Magellan, ont parcouru des mers encore inconnues en s’appuyant sur des cartes orientées vers le nord, facilitant ainsi le partage et la comparaison des informations géographiques.

3. L’influence de Gérard Mercator

Le célèbre cartographe flamand Gérard Mercator a publié en 1569 une carte révolutionnaire utilisant une projection conforme qui représentait le nord en haut. Sa méthode, bien que déformant les tailles des continents près des pôles, était particulièrement utile pour la navigation. Le succès de cette projection a largement contribué à faire du nord la norme.


Symbolisme et psychologie du nord

Le choix du nord ne repose pas uniquement sur des considérations pratiques. Il reflète également des perceptions culturelles et symboliques profondément ancrées.

1. Le nord comme symbole de stabilité

Le pôle nord géographique est fixe, contrairement au sud qui est associé à l’Antarctique, une région éloignée et peu habitée. Cette stabilité a pu renforcer l’idée que le nord devait être une référence universelle.

2. Héritage eurocentrique

L’Europe, située dans l’hémisphère nord, a historiquement dominé la cartographie mondiale. Les cartes créées dans ces pays plaçaient naturellement leur position géographique en haut, consolidant cette convention au niveau global.

3. Psychologie et association avec le haut

Dans de nombreuses cultures, le haut est associé à des concepts positifs comme la grandeur, l’élévation et la puissance. Placer le nord en haut des cartes pourrait refléter cette tendance psychologique universelle.


Alternatives modernes : une remise en question

Malgré la domination du nord, certaines initiatives récentes proposent de revisiter cette convention. Les cartes orientées vers le sud gagnent en popularité dans certains contextes, notamment pour attirer l’attention sur les déséquilibres globaux.

  • Les cartes australiennes : En Australie, on trouve parfois des cartes inversées avec le sud en haut, permettant de recentrer l’attention sur l’hémisphère sud.

  • Les perspectives alternatives : Des cartes centrées sur l’océan Pacifique ou l’Antarctique offrent des représentations différentes du monde, remettant en question la centralité de l’Europe ou de l’Amérique du Nord.


Conclusion : une norme utile mais non universelle

L’orientation des cartes vers le nord est le fruit d’un long processus historique, influencé par les avancées scientifiques, les besoins des explorateurs et des choix culturels. Bien qu’elle soit aujourd’hui universellement acceptée, cette convention n’est ni naturelle ni immuable. Les perspectives alternatives nous rappellent que la cartographie est autant une science qu’un art, reflétant les visions du monde de ceux qui les créent.

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