L’histoire de la sociologie en Iran : Un voyage à travers les dynamiques sociales et les transformations intellectuelles
La sociologie en Iran, comme dans de nombreuses autres régions du monde, a connu une évolution marquée par des changements sociaux, politiques et culturels significatifs. Ce parcours, qui commence aux premières tentatives de comprendre les sociétés, jusqu’aux études systématiques modernes, est étroitement lié à l’histoire complexe du pays, sa transformation en tant que nation moderne, et ses échanges avec les courants intellectuels mondiaux. Cet article explore le développement de la sociologie en Iran, ses pionniers, et les défis qu’elle a rencontrés à travers les différentes époques de son histoire.

1. Les premières traces de réflexion sociologique en Iran
Les racines de la sociologie en Iran remontent aux périodes pré-modernes, où la réflexion sur la société, la politique et l’éthique était présente dans les œuvres des philosophes et penseurs perses. Avant que la sociologie ne devienne une discipline académique distincte, des concepts tels que la justice sociale, la hiérarchie, les rôles sociaux et la gouvernance étaient discutés dans les écrits des penseurs islamiques et perses. Des figures telles que Ferdowsi, Avicenne (Ibn Sina), et Al-Ghazali, bien qu’ils n’aient pas abordé la sociologie dans le sens moderne, ont jeté les bases de la réflexion sur les structures sociales.
Cependant, la sociologie en tant que discipline académique proprement dite a commencé à se développer en Iran au début du XXe siècle, lorsque des intellectuels iraniens ont commencé à s’intéresser aux transformations sociales et aux besoins de modernisation du pays.
2. L’influence de la modernisation au début du XXe siècle
Au début du XXe siècle, la société iranienne était en pleine mutation en raison de l’influence croissante des idées occidentales et des réformes sociales et politiques qui émergeaient dans de nombreuses parties du monde. L’un des événements marquants dans cette transformation fut la Révolution Constitutionnelle iranienne de 1905-1911, un mouvement politique qui visait à moderniser la structure politique et sociale de l’Iran en introduisant des réformes juridiques et politiques. Ce processus a favorisé l’émergence de nouveaux courants de pensée, y compris la sociologie.
C’est durant cette période que des intellectuels iraniens ont commencé à s’inspirer des théories sociales occidentales, notamment celles de Karl Marx, Émile Durkheim et Max Weber. Ces idées ont été interprétées et adaptées pour comprendre les dynamiques sociales en Iran, notamment les tensions entre la tradition et la modernité, et les défis liés à la centralisation du pouvoir.
3. L’essor de la sociologie académique sous le règne de Reza Shah
Le développement formel de la sociologie en Iran a pris un tournant décisif pendant le règne de Reza Shah Pahlavi (1925-1941). La modernisation rapide du pays sous ce régime a conduit à la création d’institutions éducatives et à l’introduction d’une éducation plus moderne, dans laquelle la sociologie a commencé à trouver sa place. L’Université de Téhéran, fondée en 1934, est devenue l’un des principaux centres de diffusion des idées sociologiques en Iran.
C’est également durant cette période que des sociologues iraniens, souvent formés en Europe, ont commencé à s’intéresser à l’analyse des changements sociaux en cours dans le pays. Ils ont étudié des sujets tels que la structure de la société iranienne, la modernisation, la famille traditionnelle, la politique, et les changements dans les pratiques religieuses. Ce travail a contribué à façonner le discours sociologique iranien.
4. La période post-révolutionnaire : La sociologie sous le régime islamique
La Révolution islamique de 1979 a marqué un bouleversement majeur dans l’histoire de l’Iran, affectant tous les aspects de la société, y compris la discipline sociologique. Après la chute du Shah et l’instauration d’un régime théocratique dirigé par l’ayatollah Khomeini, la sociologie a dû s’adapter aux nouvelles réalités idéologiques du pays. Le marxisme et d’autres courants occidentaux ont été largement critiqués et rejetés en raison de leur incompatibilité avec l’idéologie islamique dominante.
Cependant, certains sociologues iraniens ont continué à s’engager dans des réflexions critiques sur la société iranienne, cherchant à concilier les principes de la révolution islamique avec les réalités sociales du pays. Les thèmes de l’égalité sociale, des droits des femmes, de la pauvreté, et de la modernisation ont continué à être étudiés, mais sous des perspectives religieuses et nationalistes qui privilégiaient la souveraineté islamique et l’indépendance culturelle par rapport à l’influence de l’Occident.
5. Les sociologues contemporains et la sociologie critique
Depuis les années 1990 et 2000, la sociologie en Iran a connu un renouveau avec l’émergence de nouveaux courants intellectuels et une ouverture plus large aux discussions internationales. Des sociologues modernes ont commencé à s’intéresser à des problématiques plus globales tout en analysant les spécificités de la société iranienne. L’étude des minorités ethniques, les dynamiques de la modernisation dans les zones rurales, les effets de la mondialisation et les tensions entre tradition et modernité ont été des sujets clés de recherche.
Les travaux de sociologues iraniens contemporains abordent également des questions sensibles, telles que les droits de l’homme, les libertés individuelles, et les inégalités sociales. Ces questions ont pris de l’importance au fur et à mesure que la société iranienne a cherché à naviguer entre la nécessité de réformes internes et les attentes de la communauté internationale.
6. La sociologie et l’avenir de l’Iran
Aujourd’hui, la sociologie en Iran fait face à des défis uniques, notamment en raison des restrictions politiques et sociales imposées par le gouvernement, qui peuvent limiter la liberté académique. Cependant, la discipline continue de se développer et d’évoluer, soutenue par une nouvelle génération de chercheurs qui cherchent à adapter les théories sociologiques aux réalités de la société iranienne contemporaine.
L’avenir de la sociologie en Iran semble prometteur, avec une ouverture croissante aux études comparatives internationales, un intérêt renouvelé pour les transformations sociales internes et un potentiel pour des débats sur la réconciliation entre l’Islam et les sciences sociales. L’évolution de la sociologie en Iran reflète non seulement les transformations du pays, mais aussi la manière dont les sociétés du monde entier peuvent utiliser les sciences sociales pour comprendre et façonner leur avenir.
7. Conclusion
L’histoire de la sociologie en Iran est un témoignage de la manière dont les idées sociologiques se sont adaptées aux changements sociaux et politiques, tout en influençant à leur tour les transformations internes du pays. De ses origines philosophiques à son institutionnalisation en tant que discipline académique, puis à son évolution sous les régimes politiques successifs, la sociologie iranienne a su intégrer des courants de pensée occidentaux tout en préservant une spécificité culturelle et intellectuelle locale.
À mesure que la société iranienne continue de se transformer et de se moderniser, la sociologie jouera probablement un rôle crucial pour analyser ces changements et offrir des solutions aux défis contemporains.