Les personnes qui traversent des périodes de malheur ou de souffrance ont souvent du mal à prendre soin d’elles-mêmes, à s’engager dans des activités bénéfiques pour leur bien-être, et parfois même à envisager des changements positifs dans leur quotidien. Parmi les nombreux comportements que ces individus peuvent refuser de faire pour eux-mêmes, l’un des plus récurrents et significatifs est la pratique de l’auto-compassion. Cela peut sembler paradoxal, mais ceux qui vivent dans des états émotionnels ou psychologiques difficiles peuvent avoir tendance à éviter les gestes de bienveillance envers eux-mêmes, au point de refuser tout type de soin personnel qui pourrait améliorer leur état.
La notion d’auto-compassion : Pourquoi est-elle difficile à pratiquer ?
L’auto-compassion, un terme popularisé par la psychologue Kristin Neff, fait référence à la capacité à être bienveillant et indulgent envers soi-même, particulièrement dans des moments de souffrance ou d’échec. Cela implique d’accepter ses erreurs et ses imperfections sans jugement sévère, de se traiter avec la même gentillesse que l’on offrirait à un ami en difficulté. Cependant, pour de nombreuses personnes malheureuses, cette idée peut sembler étrangère, voire inaccessibile.
Les personnes traversant une période difficile peuvent éprouver un sentiment de honte ou de culpabilité qui les empêche de se montrer de la même compassion qu’elles accorderaient à d’autres. La tendance à se blâmer, à s’en vouloir ou à se sentir indigne de bienveillance engendre un cercle vicieux : plus elles se jugent sévèrement, plus elles s’éloignent de tout comportement qui pourrait leur apporter du soulagement ou de la guérison. Le refus de l’auto-compassion est donc souvent un symptôme de la dépression, de l’anxiété, ou d’autres troubles émotionnels et psychologiques.
La tendance à négliger les soins personnels
Lorsqu’une personne est dans un état de tristesse ou de malheur profond, elle peut trouver difficile, voire insurmontable, de prendre soin d’elle-même. Prendre une douche, s’habiller proprement, ou même se nourrir correctement peuvent devenir des tâches accablantes. Cette négligence des soins personnels est une forme d’automutilation indirecte, car elle consiste à se punir par l’inaction. Les individus qui se trouvent dans cet état d’esprit ont souvent l’impression que, étant donné leur situation, ils ne méritent pas de se faire du bien.
Le manque d’énergie et de motivation, caractéristiques fréquentes de la dépression, empêche également de se concentrer sur ces gestes essentiels à la survie physique et émotionnelle. Pourtant, ces actes simples de soin de soi, comme manger sainement ou maintenir une hygiène de vie de base, sont souvent les premières étapes nécessaires pour rompre le cycle de la souffrance.
L’impact négatif de ce refus de l’auto-soin
Le refus des gestes de bienveillance envers soi-même peut avoir des effets dévastateurs à long terme. Sur le plan physique, la négligence de l’hygiène, une alimentation déséquilibrée, et un sommeil insuffisant peuvent aggraver des troubles de santé existants et en créer de nouveaux. Mais c’est sur le plan psychologique que les conséquences peuvent être les plus profondes. En ne se permettant pas d’être bienveillant envers soi-même, on renforce la perception que l’on est indigne de bonheur ou d’amour. Cette vision négative de soi peut entretenir une dépression persistante et un sentiment d’impuissance face à la vie.
De plus, la négligence de soi dans des moments de malheur peut également entraîner un isolement social. Lorsque l’on se sent misérable ou dévalorisé, il est facile de croire que les autres ne souhaitent pas être en compagnie d’une personne « défectueuse ». Cela mène souvent à l’isolement, un facteur aggravant des troubles de l’humeur.
Pourquoi les personnes malheureuses évitent-elles l’auto-compassion ?
Il existe plusieurs raisons psychologiques pour lesquelles les personnes en difficulté évitent de se traiter avec bienveillance. Certaines croient que se donner de l’amour et de la compassion reviendrait à faire preuve de faiblesse ou d’égoïsme. D’autres, en particulier celles qui ont grandi dans un environnement où les émotions étaient réprimées ou minimisées, n’ont pas appris à s’offrir la même tendresse qu’elles accorderaient à autrui. Pour ces individus, s’arrêter et prendre un moment pour eux-mêmes peut sembler presque inconcevable.
D’autres encore, particulièrement celles et ceux qui ont vécu des échecs ou des traumatismes, peuvent se convaincre que l’auto-compassion n’est qu’une forme de complaisance ou d’auto-indulgence. Elles estiment que la souffrance est méritée ou qu’elles doivent absolument « travailler » sur elles-mêmes pour surmonter leurs difficultés, sans l’aide de gestes bienveillants. Cette approche « stoïque » de la souffrance, bien que valorisée dans certaines cultures, peut rendre encore plus difficile la guérison émotionnelle et physique.
Comment surmonter ce blocage ?
Pour aider une personne à surmonter son blocage face à l’auto-compassion, il est crucial de démystifier l’idée de la bienveillance envers soi-même. Pratiquer l’auto-compassion ne signifie pas se donner une permission de rester dans l’inactivité ou de s’accorder des privilèges immérités. Au contraire, cela consiste à reconnaître ses besoins émotionnels et physiques, et à répondre à ces besoins de manière positive et constructive. Cela peut impliquer de commencer par de petites étapes : se forcer à sortir du lit, boire de l’eau, ou faire une promenade, même courte. Chacune de ces actions est un acte de soin envers soi, un pas vers la guérison.
La pratique de la pleine conscience (mindfulness) peut aussi être bénéfique. En apprenant à observer ses pensées et ses émotions sans jugement, une personne peut commencer à se libérer des critiques intérieures et à cultiver une attitude plus douce et compréhensive envers elle-même. Les exercices de respiration et les méditations guidées peuvent aider à réduire l’anxiété et à rendre l’auto-compassion plus accessible.
Enfin, il peut être utile de se faire accompagner par un professionnel de la santé mentale. La thérapie cognitive-comportementale, par exemple, aide souvent les individus à restructurer leurs pensées négatives et à développer des comportements plus adaptatifs et bienveillants. Le soutien social est également essentiel : parler de ses émotions avec un proche de confiance peut alléger la charge mentale et encourager une approche plus positive de soi.
Conclusion : L’importance de l’auto-compassion pour le bien-être
Le refus de l’auto-compassion chez les personnes malheureuses peut être une forme de protection contre une souffrance perçue comme insurmontable. Cependant, cette attitude finit souvent par aggraver la situation, en isolant l’individu et en nourrissant des sentiments d’indignité. Au contraire, en apprenant à être bienveillant avec soi-même, même dans les moments de détresse, il est possible d’entamer un processus de guérison, de renouveau et de réconciliation avec soi-même. Cultiver l’auto-compassion n’est pas un luxe, mais une nécessité pour restaurer l’équilibre émotionnel et redonner à la personne la confiance nécessaire pour affronter la vie avec résilience.