L’administration, en tant que domaine d’étude et pratique, est souvent perçue comme un art complexe nécessitant à la fois une vision stratégique, une organisation rigoureuse et une capacité à gérer des ressources humaines et matérielles de manière optimale. Pourtant, il est intéressant de noter que, dans de nombreuses sociétés contemporaines arabes, l’importance de la gestion administrative n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur. Ce phénomène peut être attribué à des raisons historiques, culturelles et socio-économiques, et mérite une analyse approfondie pour comprendre les causes de cette situation et les conséquences qu’elle engendre.
La perception de l’administration dans le monde arabe
L’administration, comme fonction de gestion au sein des institutions publiques et privées, est essentielle pour le bon fonctionnement des sociétés modernes. Cependant, dans le monde arabe, cette fonction est souvent perçue de manière secondaire, voire dévalorisée. Dans certaines cultures arabes, le leadership est davantage associé à des qualités de charisme, de vision et de force de décision, plutôt qu’à des compétences administratives pointues. Les décisions administratives sont parfois perçues comme techniques, routinières et sans grand impact sur le dynamisme ou la réputation d’un dirigeant.
Cela contraste avec des cultures où l’administration est valorisée pour sa capacité à créer de la cohérence, de la transparence et de l’efficacité au sein des institutions publiques et privées. Les pays occidentaux, par exemple, ont mis en place des systèmes éducatifs et professionnels spécialisés dans l’administration publique et privée, et les dirigeants politiques sont souvent formés à cette discipline. En revanche, dans de nombreux pays arabes, il n’existe pas de formation spécifique ou institutionnalisée pour les administrateurs, ce qui limite la reconnaissance du rôle de l’administration.
Les racines historiques de cette perception
L’une des raisons pour lesquelles l’administration est moins valorisée dans le monde arabe peut être attribuée à l’histoire coloniale. Pendant plusieurs siècles, de nombreuses nations arabes ont été sous domination coloniale, et leur système administratif a été largement dicté par les puissances colonisatrices. Ces administrations étaient souvent perçues comme des instruments de contrôle et de domination, plutôt que comme des outils de gestion efficaces au service du peuple.
Après l’indépendance, de nombreux pays arabes ont connu des révolutions et des changements politiques qui ont redéfini leur modèle administratif. Cependant, dans de nombreux cas, les nouvelles administrations étaient imprégnées d’une forte centralisation du pouvoir et d’une tendance à privilégier l’autorité politique plutôt que les compétences administratives. Cette situation a renforcé l’idée que l’administration, en tant que domaine de gestion, était subordonnée à la politique et non pas une fonction autonome et stratégique.
La gestion des ressources humaines et matérielles : une négligence apparente
Une des caractéristiques de l’administration moderne est la gestion des ressources humaines et matérielles. Or, dans de nombreux pays arabes, les administrations publiques sont souvent accusées de négliger l’importance d’une gestion efficace des ressources humaines, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des infrastructures. Cela résulte parfois d’un manque de formation professionnelle, mais aussi d’une culture du favoritisme et du clientélisme, où les compétences administratives sont reléguées au second plan au profit des relations politiques.
Le manque de professionnalisme dans la gestion administrative peut entraîner des inefficacités considérables. Par exemple, des décisions prises sans une analyse rigoureuse des besoins peuvent conduire à un mauvais allouement des ressources publiques, ce qui nuit au développement économique et social. Le fait que la gestion administrative soit souvent perçue comme un simple processus logistique, et non comme une fonction stratégique, empêche de tirer pleinement parti des talents et des compétences nécessaires à la modernisation des institutions.
La relation entre l’administration et la politique
L’une des particularités de l’administration dans le monde arabe est la relation étroite entre les structures administratives et les structures politiques. Dans de nombreux cas, les hauts fonctionnaires et les administrateurs sont directement impliqués dans les décisions politiques, ce qui peut brouiller les frontières entre la gestion administrative et la gouvernance politique. Cette proximité peut donner lieu à des conflits d’intérêts et à une absence de neutralité dans la gestion des affaires publiques.
Dans certains pays arabes, cette situation est exacerbée par un système de clientélisme et de népotisme où l’administration est utilisée comme un outil pour maintenir ou renforcer le pouvoir politique. Le favoritisme dans les nominations administratives peut alors conduire à une inefficacité chronique, car les individus nommés à des postes clés ne sont pas toujours les mieux qualifiés pour gérer les ressources publiques.
Le rôle de l’administration dans le développement économique
L’administration joue un rôle central dans la mise en œuvre des politiques publiques et le développement économique. Une gestion efficace des ressources humaines, des finances publiques et des infrastructures est essentielle pour stimuler la croissance économique et améliorer le bien-être des citoyens. Cependant, dans de nombreux pays arabes, la gestion administrative est perçue comme secondaire par rapport à la politique et à l’autorité personnelle des dirigeants. Ce manque de reconnaissance pour le rôle de l’administration dans le développement économique peut avoir des conséquences négatives à long terme.
Les institutions publiques qui ne sont pas bien gérées risquent de faire face à des inefficacités qui nuisent à la compétitivité du pays. Par exemple, des systèmes administratifs lents et bureaucratiques peuvent retarder la mise en œuvre de projets d’infrastructure cruciaux, ce qui ralentit le développement économique. De même, une gestion inefficace des finances publiques peut entraîner un endettement excessif et des déséquilibres économiques.
Le défi de la réforme administrative
La réforme administrative est un enjeu majeur pour de nombreux pays arabes, car elle est nécessaire pour moderniser les institutions publiques et les rendre plus transparentes, responsables et efficaces. Cependant, les réformes administratives dans le monde arabe ont été lentes et souvent insuffisantes, en raison de la résistance au changement, des pratiques politiques traditionnelles et de la persistance de structures administratives obsolètes.
Les réformes doivent viser à séparer clairement les rôles de l’administration et de la politique, à promouvoir la transparence et la responsabilité, et à renforcer la compétence des administrateurs. Cela nécessite un investissement dans la formation professionnelle, la mise en place de mécanismes de contrôle de la corruption et l’introduction de technologies modernes pour améliorer l’efficacité de l’administration publique.
Conclusion
L’administration, bien que cruciale pour le bon fonctionnement des sociétés modernes, reste un domaine souvent sous-estimé dans le monde arabe. L’une des raisons de cette perception réside dans des traditions culturelles et historiques qui ont souvent relégué la gestion administrative à un rôle subordonné par rapport à la politique et à la gestion du pouvoir. Pourtant, il est évident que, dans un monde de plus en plus globalisé et compétitif, la capacité à gérer efficacement les ressources humaines et matérielles devient un élément clé du succès économique et social. Pour que les pays arabes puissent relever les défis du développement, il est impératif de reconnaître l’importance de l’administration et de renforcer les compétences administratives à tous les niveaux de la société.